8493lechampagne l'objet : le champagne
Bon, évidemment, ces jours-ci le champagne coule à flots. Voici donc à nouveau Nikola Obermann qui se penche sur cette boisson
française, si française, enfin à quelques nuances près, regardez
:
C’est un fait connu : Quand les Français boivent du champagne, les
Allemands boivent du Sekt. Bon, Sekt ou Champagne, on pourrait croire que c’est
à peu près la même chose : du vin blanc ou du rosé
avec des bulles. Sauf que le champagne coûte beaucoup, beaucoup plus cher. Normal, disent les Français : Le raisin est cueilli à
la main, les pieds de vigne sont plantés à une distance précise, et puis, il y
a la fameuse "méthode champenoise". Pour fabriquer des bulles, un vin doit fermenter deux fois. La première fois, ça se
passe dans une cuve ou un fût. Si, pour la deuxième
fermentation, on met le vin non plus dans une cuve
mais dans des bouteilles, on pratique la "méthode champenoise". Et comme ça demande plus de travail, c’est plus cher.
Mais surtout, la Champagne est une région strictement délimitée et protégée par
le label AOC, la fameuse "appellation d’origine controlée", qui donne
au champagne le privilège d’être le seul vin au monde à pouvoir porter ce nom. Dans
le fameux traité de Versailles de 1919 on trouve d’ailleurs un paragraphe, le
fameux "Champagnerparagraph", dans lequel les Français interdisent
aux Allemands d’appeler leur vin mousseux "Champagne". Eh oui, ils pensent à tout, les Français. "Mais c’est
injuste", disent les Allemands, puisque dans l’histoire du champagne, les
Allemands ont joué un rôle très important ! Regardez
ces étiquettes de grandes maisons de champagne français :
Krug, Mumm, Heidsieck, Bollinger, Deutz, Koch… Ce sont les noms de jeunes
allemands ambitieux, qui, dès la fin du 18e siècle, ont immigré en
Champagne pour y faire carrière. Certains arrivèrent avec des fonds, d’autres
juste avec leur talent, notamment le sens du commerce et la maîtrise des
langues étrangères, car ces atouts, indispensables pour vendre la boisson de
luxe aux tsars et autres privilégiés du monde, faisaient terriblement défaut
aux Français. Polyglottes et bons commerciaux, les
Allemands tombaient à pic.
Bientôt, on trouvait des Allemands dans pratiquement toutes les maisons de
négoce, si bien que Robert Tomes, le consul américain à Reims, écrivait en 1867 : "Il n’y a effectivement plus une seule maison de
vin en Champagne qui ne soit plus ou moins contrôlée par un Allemand. Et si, par hasard, un Français se trouve à la direction, il
a probablement un associé allemand. Une maison de champagne
néanmoins était dirigée par des Français. Pendant mon
séjour à Reims, elle a fait banqueroute et on affirmait partout qu’elle avait
fait faillite parce qu’il lui manquait un Allemand". Florenz-Ludwig
Heidsieck fut le premier qui fonda en 1777, à Reims,
la maison Heidsieck. Suivirent les trois frères Mumm,
Johann-Joseph Krug, Joseph Jacob Bollinger, Johann Carl Philipp Koch, William
Deutz, etc, etc. Quand ils ne lancaient pas leur propre marque, ils
épousaient souvent la fille d’une maison de champagne déjà existante pour en
prendre la direction, francisaient leur nom, se faisaient naturaliser français,
faisaient fortune et mouraient en bon Français. Aujourd’hui, leurs noms
évoquent le luxe et le raffinement à la française et
peu de gens se souviennent encore de leur origine teutonne… Un
certain Georg Christian Kessler en revanche, après de longues années au service
de la fameuse maison Veuve-Cliquot, décida de retourner en Allemagne. Il y fonda, en 1826,
grâce aux techniques apprises en France, la toute première manufacture de Sekt
en l’Allemagne.