La gare d'Austerlitz, ______________________________, le mardi ou le vendredi, quand je ______________________ ______________plus tôt. J'y vais pour regarder les trains qui partent, à cause de l'émotion, c'est un truc que j'aime

bien, voir l'émotion des gens, c'est pour ça que je ne___________jamais les matches de foot à la télévision, j'adore quand ils __________________________après les buts, ils courent avec les bras en l'air et ils s'enlacent, et puis aussi ____________________________________________, ________________________les filles quand elles donnent la bonne réponse, elles______________________________________devant leur bouche, renversent la tête en arrière, poussent des cris et tout, avec des grosses________________ dans leurs yeux. Dans les gares, c'est autre chose, l'émotion se devine dans les regards, les gestes, les mouvements, il y a les amoureux qui se quittent, les mamies qui repartent, les dames avec des grands___________________qui abandonnent des hommes au____________________, ou l'inverse, j'observe__________________________________________, on ne sait pas où, ni pourquoi, ni pour combien de temps, ils se disent au revoir______________________________________, d'un petit signe, ou s'évertuent à crier alors qu'on ne les entend pas. ________________________________________on assiste à de vraies séparations, je veux dire qu'on sent bien que cela____________________________________ou que cela va paraître très long (ce qui revient au même), alors là l'émotion est très dense, c'est comme si l'air__________________, ______________________comme s'ils étaient seuls, ______________________________________. C'est___________________pour les trains à l'arrivée, je m'installe au début du quai, j'observe les gens qui attendent, leur visage tendu, impatient, leurs yeux qui cherchent, et soudain ce sourire à leurs lèvres,___________ __________________, leur main qui_________________, alors ils s'avancent, ils s'étreignent, ___________________________________, entre tout, ces effusions. Bref, voilà pourquoi je me trouvais gare d'Austerlitz. J'attendais l'arrivée du TER de 16 h 44,  _____________ __________________________________________________________, c'est mon préféré parce qu'il y a toute sorte de gens, des jeunes, des vieux, des bien____________________, des gros, des__________________, des mal______________________et tout. ________________________________________________________________________, ça m'a pris un peu de temps parce que j'étais très concentrée, et dans ce cas-là un mammouth__________________se rouler sur mes baskets, je_______________________________ __________________________________________. Je me suis retournée.

— ____________________________________ ?

Elle portait un pantalon kaki sale, un vieux blouson________________________________________, une__________________Benetton comme_______________________ma mère garde__________________________

son placard, en souvenir de quand elle était jeune.

Non, je suis désolée, je ne fume pas.

J'ai des chewing-gums à la menthe, si vous voulez.

Elle a fait la____________, puis m'a tendu la main, _______________________________le paquet, elle l'a fourré dans son sac.

Salut, je m'appelle No. Et toi ?

No ?

Oui.

Moi, c'est LouLou Bertignac. (En général, ça fait son petit effet, car les gens __________________que je suis de la famille du chanteur, peut-être même sa fille, une fois quand j'étais au collège, j'ai fait croire que oui, bon après ça s'est compliqué, quand ____________________que je donne des détails, que je________________signer des autographes et tout, j'ai dû _______________________________________.) Cela____________________________________de l'émouvoir. Je me suis dit que ce n'était pas son genre de musique. Elle s'est dirigée vers un homme qui lisait son journal__________________, à quelques mètres de nous. Il a levé les yeux____________________________________________, a sorti une cigarette de son paquet, elle l'a attrapée sans le

regarder, puis elle est revenue vers moi.

Je t'ai déjà__________ici, plusieurs fois.

Qu'est-ce que tu fais ?

Je viens pour regarder les gens.

Ah. Et des gens, y'en a pas par chez toi ?

Si. Mais_________________________________.

T'as quel âge ?

Treize ans.

— ________________________deux ou trois euros, j'ai pas mangé depuis hier soir ?

J'ai cherché dans la poche de mon jean, il me restait quelques pièces, j'ai tout donné sans

regarder. Elle________________________________________________________.

— _______________________________________ ?

En seconde.

C'est pas l'âge normal, ça ?

Bennon. J'ai deux ans d'avance.

Comment ça se fait ?

J'ai________________des classes.

J'ai bien compris, mais comment ça se fait, Lou, que t'as sauté des classes ?

J'ai trouvé qu'elle me parlait d'une manière bizarre, je me suis demandé si elle n'était pas________________________ ________________________________moi, mais elle avait un air très sérieux et très embêté à la fois.

Je ne sais pas. J'ai appris à lire quand j'étais à la maternelle, alors__________________________________au CP, et puis après j'ai sauté le CM1. En fait ________________________________ tellement que j'enroulais mes cheveux autour d'un_______________et je tirais dessus, toute la journée, alors au bout de quelques semaines j'ai eu un___________. Au troisième trou, j'ai changé

de classe. Moi aussi__________________________________________lui poser des questions, mais j'étais trop intimidée, elle fumait sa cigarette et me regardait de haut en bas et de bas en haut, comme si elle cherchait un______ que je ____________________lui donner. Le silence s'était installé (entre nous, parce que sinon il y avait la voix synthétique dans le_____________________________qui nous cassait les oreilles),

 

 

 

 

 

det är en grej jag tycker mycket om

 

jag går till Östra Järnvägsstationen – jag går dit

 

jag missar aldrig fotbollsmatcherna på teve

 

tjejerna sätter sina händer framför sin mun

 

jag observerar dessa människor som går iväg

 

det är det jag föredrar

 

jag skulle inte inse det (märka det)

 

jag gav henne paketet

 

du har inte 2 eller 3 euro ? (det är inte så att du skulle ha)

 

 

alors je me suis sentie obligée d'ajouter que maintenant, ça allait mieux.

Ça va mieux quoi, les cheveux ou l'ennui ?

Benles deux.

Elle a ri. Alors j'ai vu qu'il lui manquait une dent, je n'ai même pas eu à réfléchir un

dixième de seconde pour trouver la bonne réponse : une prémolaire. Depuis toute la vie je me suis toujours sentie en dehors, où que je sois, en dehors de l'image, de la conversation, en décalage, comme si j'étais seule à entendre des bruits ou des paroles que les autres ne perçoivent pas, et sourde aux mots qu'ils semblent entendre,

 

comme si j'étais hors du cadre, de l'autre côté d'une vitre immense et invisible. Pourtant hier j'étais là, avec elle, on aurait pu j'en suis sûre dessiner un cercle autour de nous, un cercle dont je n'étais pas exclue, un cercle qui nous enveloppait, et qui, pour quelques minutes, nous protégeait du monde. Je ne pouvais pas rester, mon père m'attendait, je ne savais pas comment lui dire au revoir, s'il fallait dire madame ou mademoiselle, ou si je devais l'appeler No puisque je connaissais son prénom. J'ai résolu le problème en lançant un au revoir tout court, je me suis dit qu'elle n'était pas du genre à se formaliser sur la bonne éducation et tous ces trucs de la vie en société qu'on doit respecter. Je me suis retournée pour lui faire un petit signe de la main, elle est restée là, à me regarder partir, ça m'a fait de la peine parce qu'il suffisait de voir son regard, comme il était vide, pour savoir qu'elle n'avait personne pour l'attendre, pas de maison, pas d'ordinateur, et peut-être nulle part où aller.

 

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Sa mère s’est fait violer dans une grange quand elle avait quinze ans. Ils étaient quatre. Ils sortaient d’un bar, elle roulait en vélo au bord de la route, ils l’ont obligée à monter dans la voiture. Quand elle a découvert qu’elle était enceinte, il était trop tard pour avorter. Ses parents n’avaient pas assez d’argent pour faire le voyage en Angleterre, là où le délai légal n’était pas encore dépassé. No est née en Normandie. Suzanne a quitté le collège quand son ventre s’est arrondi. Elle n’y est jamais retournée. Elle n’a pas porté plainte pour éviter la honte qui aurait été encore plus grande. Après l’accouchement, elle a trouvé un emploi de femme de ménage dans un hypermarché du coin. Elle n’a jamais pris No dans ses bras. Elle ne pouvait pas la toucher. Jusqu’à l’âge de sept ans, No a été élevée par ses grands-parents. Au début, on les a montrés du doigt, on a chuchoté dans leur dos, les yeux baissés sur leur passage, on a multiplié les soupirs et prédit le pire. Le vide s’est fait, autour d’eux, c’est sa grand-mère qui lui a raconté. Elle l’emmenait au marché, au catéchisme, venait la chercher à l’école du village. Elle la tenait par la main pour traverser la rue, le menton haut et l’allure fière. Et puis les gens ont oublié.