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Débat: sur la route, la bonne conduite!

 

La voiture véhicule son lot d’idées reçues! Les bons conducteurs sont-ils vraiment ceux que l’on croit? Six lecteurs en débattent.


Notre Temps: Conduire, est-ce important pour vous?

Liliane (70 ans): Je conduis depuis l’âge de 18 ans et j’adore cela! Pour assister à ce débat, j’ai parcouru ce matin plus de 300 km. Pas question pour moi de prendre le train pour venir!

Patrice (64 ans): J’ai toujours aimé conduire, aujourd’hui encore.

Bernard (72 ans): Avant, je parcourais entre 35 000 et 40 000 km par an, je n’en fais plus que 6 000 km. J’aime prendre la route mais cela devient de plus en plus difficile.

Françoise (68 ans): C’est une passion! J’ai passé mon permis à 18 ans, mais j’utilisais déjà la 2 CV familiale avec mon père à 14 ans.

Philippe (69 ans): Je dois avoir parcouru 1,2 million de kilomètres! Depuis mon départ en retraite, en 2000, je me suis engagé comme bénévole dans la sécurité et la prévention routière. 

Anita (72 ans): La conduite m’est à la fois utile et agréable car elle me permet de participer à des rallyes de voitures anciennes. J’adorais être au volant mais l’attitude actuelle des automobilistes me met sous tension tout le temps.

Pensez-vous que l’avancée en âge des conducteurs représente un facteur de risques important sur la route?

Anita: Ce n’est pas tout à fait faux. Des changements physiologiques se produisent. Le temps de réflexe musculaire s’allonge, la vue faiblit. L’important est d’en être conscient. 

Vos capacités ont évolué avec le temps. Vous vous adaptez? 

Patrice: II faut rester lucide sur son état de santé. J’ai été habitué à changer de lunettes, à voir mon médecin régulièrement. Sur la route, je m’astreins à mettre mon clignotant dans les giratoires! Cela n’a pas de rapport avec mon âge mais plutôt avec la conscience qu’on n’est pas tout seul sur la route, ce qui est valable à 20, 40 ou 70 ans. Conduire est un acte social!

Bernard: L’âge peut devenir un handicap au volant. Le périphérique est mal éclairé, les panneaux y sont mal présentés. Je ne rentre plus dans Paris et ne dépasse pas un périmètre de 100 km autour de mon domicile. Pour aller loin, je préfère prendre le train! C’est plus rapide et moins fatiguant.

Françoise: Tout dépend de l’âge! Nous sommes ici des conducteurs seniors relativement jeunes. Mais je connais des personnes de 85 ans ne pouvant même plus tourner la tête, avec des cervicales en compote, mais qui ne veulent pas lâcher le volant. Ce sont de véritables dangers. Je n’hésite pas à faire des stages de remise à niveau pour seniors et je suis parfois étonnée de constater que certains d’entre eux ne connaissent  pas la signification de nombreux panneaux de signalisation. 

Notre Temps: Ce n’est pas évident d’être toujours au point avec une signalétique qui évolue sans cesse. Pas facile non plus d’être conscient de sa capacité à conduire ou pas…

Philippe: 80% des conducteurs âgés s’arrêtent d’eux-mêmes. Le problème ce sont les 20% restants, qui peuvent être vraiment dangereux.

Bernard: Il est difficile de lâcher le volant. C’est un sacrifice, surtout pour les personnes vivant à la campagne, isolées, et dont la voiture reste le seul moyen de se déplacer. Arrêter quand? Fixer une limite d’âge? 75, 80, 85 ans? Ça dépend de chacun. Faire passer des examens d’évaluation dans une auto-école, la solution est peut-être là…  

Débat: sur la route, la bonne conduite!

Dans les pays qui encadrent cette question juridiquement, les résultats ne sont pas meilleurs en termes d’accidents…

Philippe: Un exemple à ne pas suivre: la Finlande! Les gens n’ont plus le droit de conduire après 70 ans. Prendre des mesures systématiques pour tout le monde, c’est stupide! Certains ne savent pas conduire à 35 ans, d’autres sont toujours très bons conducteurs à 85 ans. S’inspirer de la Suisse pourrait être une idée. La conduite y est autorisée, tous âges confondus, en l’absence de fautes graves ou d’accidents. Si cela arrive, il faut passer un examen théorique et pratique. Les résultats décident de la poursuite ou pas de la conduite.

Françoise: Autant ne pas attendre l’accident! Je suis en faveur de la prévention, d’une évaluation à partir d’un certain âge. 

Liliane: Dans mon dernier emploi, une journée de remise à niveau dans le cadre de la prévention routière était proposée chaque année. C’était intéressant, cela me permettait d’apprendre les nouveaux panneaux de signalisation. J’étais une des rares à m’inscrire!

Une piqûre de rappel régulière sur la sécurité routière, toutes générations confondues, serait une bonne idée?

Philippe: C’était prévu. Tout d’abord, à partir de 75 ans, ce qui a été perçu comme une mesure anti-vieux. Après il avait été question d’une visite médicale tous les dix ans, pour tous. Et au final, il ne s’est rien passé!

Anita: 31% des conducteurs lisent des SMS au volant, 61% des moins de 35 ans reconnaissent le faire, ce qui multiplie par 23 le risque d’accidents. Un accident mortel sur 3 est dû à l’alcool, je ne suis pas sûre que les seniors soient plus impliqués que les autres. Les 18-24 ans représentent 26% des morts sur la route. Avant d’accuser, comparons les chiffres!

Patrice: La tendance est de stigmatiser les individus en fonction de leur âge. Ne serait-il pas mieux d’éduquer les gens dès l’école et de leur donner le sens de la responsabilité?

Philippe: Les attestations de sécurité routière existent déjà dans le système éducatif. Mais il faut se rappeler que les principaux éducateurs sont les parents. Les enfants impriment les habitudes de conduite de ces derniers, mauvaises ou bonnes.

Notre Temps: En 1972, les routes de France faisaient 18 000 morts. En 2012 ce chiffre s’est réduit à 3 645. Cette diminution est-elle due, selon vous, à des efforts en termes de signalisation, de luminosité?

Bernard: Pas vraiment, peu à peu l’éclairage des routes disparaît. Cela rend difficile la conduite de nuit.

Philippe: La baisse de l’éclairage a permis de réduire le nombre d’accidents. Quand vous voyez moins, vous roulez moins vite. C’est la vitesse qui est le principal facteur d’accidents. 

En ville, trouvez-vous suffisamment visibles les plaques indiquant le nom des rues?

Anita: Non! C’est une cause d’accident pour tout le monde! J’ai eu un accrochage, car je m’étais arrêtée pour pouvoir lire le nom de la rue. Il faudrait prévoir des panneaux visibles de jour comme de nuit, avec le sens de progression des numéros.

Philippe: En ville, ce sont surtout les excès de vitesse, même petits, qui sont dangereux pour les piétons.

Patrice: En poussant la logique jusqu’au bout, autant laisser la voiture au garage! Car si vous renversez un piéton ou un cycliste, même en roulant doucement, il peut se faire un traumatisme crânien en tombant sur le trottoir. Si un enfant débouche, vous pouvez le percuter. Le danger, c’est nous et les autres. Il faut se responsabiliser, être vigilant et s’adapter au contexte. C’est une question de bon sens. Arrêtons surtout de penser que nous sommes seuls sur la route!

Liliane: Sur le périphérique, les deux-roues sont dangereux. On ne les voit pas débouler.

Anita: En plus, bien souvent, quand ils roulent entre les deux files, ils ne sont pas corrects. Ils insultent les femmes.

 

Débat: sur la route, la bonne conduite!

Justement, messieurs, en parlant des femmes, conduisent-elles bien? 

Philippe: Les statistiques le prouvent! Elles sont dix fois moins dangereuses que les hommes.

Françoise: Quand j’ai assuré mes enfants, les primes étaient moins élevées pour les filles que pour les garçons! 

Que pensez-vous des nouvelles aides à la conduite? Ces dispositifs améliorent-ils la vie des conducteurs?

Patrice: Certaines avancées techniques facilitent vraiment la conduite, pourquoi s’en passer? Le GPS, l’aide au stationnement… c’est génial surtout pour les conducteurs à mobilité réduite, qui ont des difficultés à tourner la tête, une épaule coincée… Il suffit d’appuyer sur un bouton.

Bernard: Ces nouveautés technologiques, c’est un investissement qui vaut vraiment le coup. Je pense aux personnes isolées à la campagne qui vont pouvoir maintenir leur autonomie plus longtemps, en continuant de conduire.

Françoise: Ce sont des mesures de sécurité et elles n’ont pas de prix! Les alarmes de recul, c’est super, à tout âge. Elles alertent en cas d’obstacle, un enfant qui joue au ballon derrière la voiture…

Anita: J’ai un avis contraire! Plus il y a assistance, plus il y a perte de compétences et de réflexes. La conduite est un acte responsable, qui réclame beaucoup d’attention, et pendant lequel il ne faut pas se laisser aller. Une de mes amies utilise le GPS et ne se concentre que sur ce qu’il lui dit. Cela peut devenir dangereux.

Patrice: Le GPS est une aide à la conduite, mais il faut savoir s’en servir et rester maître de ses décisions.

Philippe: Il faut le mettre à jour, sinon il n’est pas opérationnel!

Anita: J’insiste sur une vertu de la conduite qui est le maintien des réflexes. C’est un entraînement formidable.

Bernard: Il y a d’autres façons d’entretenir ses réflexes.

Patrice: Oui, mais cela peut avoir des conséquences sur la collectivité et cela ne doit pas se faire aux dépens des autres!

Vous êtes tous ici des conducteurs citoyens et responsables. Pensez-vous être en mesure un jour de décider d’arrêter de conduire? Ou estimez-vous que cette décision revient à un tiers de confiance, l’entourage ou le médecin traitant?

Patrice: L’entourage! Cette question doit avoir été discutée ensemble en amont, avant 85 ans, pour que la décision ne soit pas vécue comme une contrainte.

Françoise: Je ne suis pas si sûre que cela sera aussi simple le moment venu! Le fait qu’il y ait une histoire commune et affective peut compliquer la prise de décision!

Philippe: Le médecin traitant est tenu au secret médical. Il peut conseiller à l’intéressé de ne plus conduire mais il ne peut l’obliger ni prévenir la famille. La seule possibilité légale aujourd’hui incombe à l’entourage proche qui peut dénoncer, à la préfecture, le parent qu’elle estime dangereux pour la collectivité.

C’est une vraie question pour notre société qui vieillit car elle recoupe d’autres fondamentaux comme la fin de vie, la perte d’autonomie… Pour autant, la moitié des accidents est provoquée par les 18-24 ans et personne ne songe à imposer une visite médicale aux jeunes conducteurs. Alors à qui revient cette décision d’arrêter? Une interrogation à laquelle nous ne savons toujours pas apporter de réponse…