Professeurs-élèves, ces liaisons interdites
Une enseignante lilloise de 33 ans a été condamnée à
18 mois de prison avec sursis pour avoir eu une relation avec une jeune fille
mineure.
Par Marc Leplongeon
Modifié le 07/10/2013 à 19:58 - Publié
le 17/09/2012 à 15:28 | Le Point.fr
Le film "Noce blanche" de 1989 raconte une histoire d'amour entre
un professeur et son élève. © capture d'écran/youtube.com
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Il est des affaires
où le droit montre ses limites. Il en va ainsi des passions interdites entre un
professeur et son élève. Souvent, le jargon juridique est glacial : viol du
consentement, atteinte sexuelle sur mineur, pédophilie... Et il contraste avec
le vocabulaire utilisé par les acteurs de cette histoire, qui se bornent à
emprunter des mots au champ lexical du sentiment. "Quand elle était en
face de moi, j'oubliais son âge. Elle n'était pas une adolescente de 14 ans,
mais l'amour de ma vie", a ainsi expliqué au magazine Causette Viviane*, une enseignante lilloise. La
professeur d'anglais était jugée fin septembre par le tribunal correctionnel
de Lille pour "atteinte sexuelle sur mineur de
moins de 15 ans". Le parquet avait requis huit mois de prison avec sursis.
Elle a finalement été condamnée à 18 mois de prison avec sursis et a été
inscrite au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais).
Viviane* était
professeur au collège Louise-Michel de Lille. En septembre 2011, la petite
Sophie* est dans sa classe. Elle entre en quatrième. Une complicité se noue
entre elles. Les sorties extrascolaires s'enchaînent, la professeur devient la
confidente. Selon elle, l'année suivante, elles deviennent amantes. Lorsque
l'affaire éclate en avril dernier, Viviane n'est plus enseignante dans le même
collège. "Elle avait demandé sa mutation en février, incapable de tenir sa
promesse de ne plus voir Sophie*", explique le magazine féminin. C'est la
mère de Sophie qui, en consultant le portable de sa fille, est tombée sur des
SMS de son ex-professeur. Les médias s'emparent de l'affaire, la polémique éclate.
Certains journaux sont accusés d'être trop complaisants à l'égard de
l'enseignante. Le 28 juin, le pure player Slatetitre : "Après le Nouvel Obs, Causette se prend les pieds dans la
pédophilie féminine".
Des liaisons
consentantes ?
Ces cas sont rares
sans être tout à fait isolés. Ces liaisons, qui divisent l'opinion publique,
ont pour particularité d'être "consentantes". Du moins doit-on s'en
convaincre, car la petite Sophie n'avait, au regard de la loi, pas le
discernement et la maturité nécessaires pour avoir pleinement conscience de ses
actes. En France, avoir une relation sexuelle avec une mineure de moins de 15 ans (l'âge de
la majorité sexuelle) est pénalement répréhensible. L'enseignante, de par
l'autorité que lui confère ses fonctions, risquait 10 ans de prison. "La
loi présume en quelque sorte qu'avant cet âge, face à un adulte, un enfant ou
adolescent ne peut véritablement consentir en toute connaissance de cause à des
relations sexuelles" et que "le risque est trop grand d'une
manipulation, même inconsciente, de l'enfant par l'adulte", explique une juge blogueuse,
Dadouche, sur le blog de Me Eolas.
Et l'âge de Sophie
(moins de 15 ans au moment des faits) importe finalement peu. L'article 227-27
du code pénal prévoit en effet 3 ans de prison et 45 000 euros pour "les
atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur
âgé de plus de quinze ans". "Un mineur de 16 ans ne pourrait pas
avoir de relation sexuelle avec un de ses professeurs tout simplement parce que
ce professeur a une influence, une relation d'autorité sur lui", explique
Dominique Chagnollaud dans son excellent Code junior.
Acharnement
médiatique
Ces relations
profs-élèves ont parfois été relatées dans les médias avec une brutalité telle
que les amants n'y ont pas survécu. Gabrielle Russier, enseignante, fait partie
de ces femmes qui sont "mortes de leur amour". Le film Mourir
d'aimer, réalisé par André Cayatte en 1971, relate l'histoire de cette
enseignante. Née en 1937, elle est condamnée pour détournement de mineur en
1969 après avoir entretenu une relation avec un élève de seconde. Gabrielle
Russier, ne supportant plus les reproches qui lui sont faits, se suicide. Son
jeune amant sera interné dans un asile psychiatrique pendant le reste de son
adolescence, avant de refaire sa vie.
Georges Pompidou avait été interrogé sur ce drame. Le
président de la République avait pris un long moment de réflexion avant de
répondre. Et les grimaces et les tics de réflexion qui lui tordaient le visage
exprimaient à eux seuls le dilemme moral auquel la France entière faisait face.
Puis Georges Pompidou avait fini par lâcher quelques vers de Paul Éluard sur les femmes tondues à la Libération pour
avoir entretenu une liaison avec les Allemands : "Moi, mon remords, ce fut
la victime raisonnable au regard d'enfant perdu, celle qui ressemble aux morts
qui sont morts pour être aimés." "Comprenne
qui voudra", avait-il murmuré.
L'affaire Mary Kay
Letourneau
Si une liaison
d'enseignant avec son élève devait être retenue, ce serait peut-être celle de
Mary Kay Letourneau et de Vili Fualaau. Aux États-Unis, cette affaire a
véritablement embrasé l'opinion publique et a scandalisé bien plus que la
simple "Amérique puritaine". Une enseignante, mère de famille, avait
noué une liaison en 1996 avec un de ses élèves, âgé de 13 ans. Cette liaison,
devenue rapidement charnelle, avait été dénoncée à la police par son
mari.
Elle sera condamnée à
une peine de six mois de prison. Puis, à peine sortie, elle violera les termes
de sa probation en entretenant de nouveau une relation avec Vili Fualaau. Elle
écopera alors d'une peine beaucoup plus longue et donnera naissance à un
deuxième enfant de son jeune amant en prison. En 2005, Mary Kay Letourneau et
Vili Fualaau se sont finalement mariés. À son procès dans le Kent en 1997,
l'enseignante avait déclaré : "J'ai fait quelque chose que je n'avais pas
le droit de faire."