La façade
originale du Crystal Palace en 1851 (situé à Hyde Park, Londres),
construit pour l'Exposition universelle qui se tenait cette
année-là en Angleterre.
La première moitié du XIXe siècle
est caractérisée par la révolution industrielle qui, pour beaucoup,
doit à l’essor de la métallurgie. La révolution industrielle engendre un
bouleversement économique, certes, mais sans doute est-elle avant tout une
révolution des matériaux. Dans un premier temps, les ouvrages réalisés en métal
le seront surtout avec une visée purement d’ordre pratique (des ponts
notamment), mais dès que les techniques seront maîtrisées, les ingénieurs se
transformeront en architectes, voire en artistes.
En 1779, le premier pont
en fonte est
construit à Coalbrookdale dans le Shropshire.
Ce type de pont se développe ensuite dans toute l’Angleterre,
et ce n’est qu’en 1803
que l’on en retrouvera une inspiration identique en France, lorsque est
jeté sur la Seine,
le pont
des Arts, face à l’Académie des Sciences.
Détail de
l'architecture de la coupole des Galeries Lafayette situées Boulevard Haussmann à Paris.
A partir de 1845, le fer laminé remplace petit
à petit la fonte grâce à ses nombreux atouts supplémentaires : plasticité,
incombustibilité et résistance. Mais avant toutes choses, le fer laminé s’avère
plus économique à produire que la fonte. Ce sont d’abord des ponts qui seront
construits avec ce nouveau matériau, notamment du fait de l’extension rapide du
réseau ferré, avant que la méthode ne soit appliquée à d’autres types de
bâtiments. En Angleterre, le premier exemple marquant est le Crystal Palace,
construit pour l’Exposition universelle de 1851. En France, et
uniquement en considérant le domaine architectural, le fer sera ouvertement
montré pour les premières fois : en 1848 avec la structure
de la bibliothèque Sainte-Geneviève
construite par Henri Labrouste, puis de manière encore plus
démonstrative avec les Halles de Paris édifiées en 1853 par Victor
Baltard et Félix Callet. Suite à cela, dans un contexte
d’industrialisation rapide, de nombreux autres bâtiments seront construits de
cette manière : gares, marchés, usines, grands magasins, verrières,
pavillons d’exposition, kiosques...
Vue de la
charpente métallique de la gare du Nord, à Paris.
L’architecture du fer séduit les
ingénieurs pour la robustesse naturelle du matériau, mais aussi parce qu’il
insuffle une certaine légèreté aux constructions et autorise la création de
bâtiments plus aériens, plus modernes, plus résistants, plus esthétiques. Les
ingénieurs peuvent enfin faire preuve d’audace architecturale et libérer leurs
envies artistiques.
A partir des années 1870, les spécificités
du fer et son comportement sont mieux connus, ce qui en permet une utilisation
courante dans les ouvrages d’art et les bâtiments publics. Le fer permet de
construire des ensembles spacieux et fonctionnels. Il est utilisé dans la
plupart des grands projets de l’époque (à Paris, par exemple,
on le retrouvera utilisé pour les Galeries Lafayette, situées Boulevard Haussmann, ou encore la gare du
Nord).
Le fer devient alors la source de
houleux débats entre ingénieurs et architectes, la place de chacun n’étant plus
aussi clairement définie qu’auparavant. Gustave Eiffel sera de ceux qui ont su
allier les métiers d’ingénieur avec celui d’architecte, en tirant profit des
atouts nouveaux proférés par le fer.
Gustave Eiffel
Ingénieur-Architecte-Entrepreneur
Né le 15
décembre 1832 à Dijon
Mort le 27
décembre 1923 à Paris.
Né à Dijon en 1932, Gustave
Eiffel sort treizième de la promotion 1855 de l’École centrale des arts et
manufactures qu’il avait intégrée quelques temps plus tôt. Sous l’influence
de son oncle Jean-Baptiste Mollerat, il choisit d’y
suivre les cours de la spécialité «chimie», mais victime de brouilles
familiales, il ne reprendra jamais l’exploitation prospère de houille de
celui-ci.
Une fois son diplôme obtenu,
c’est aux établissements parisiens Nepveu qu’il débutera sa carrière
professionnelle . L’ingénieur apprend vite, et dès 1858, il se voit
confier la responsabilité d’un chantier important, celui de la direction des
travaux du pont de Bordeaux. Se finissant par un succès, cette aventure lui
donne l’envie de se mettre à son propre compte, ce qu’il fera effectivement en 1867.
Il installe alors ses ateliers à Levallois-Perret,
en banlieue parisienne. Les réalisations des établissements Eiffel seront
diverses et variées : des viaducs (Garabit
en 1884 ou sur le Douro, au Portugal en 1877), des ponts, des
charpentes ou structures métalliques (comme la coupole de l’observatoire de Nice en 1884 ou la structure
interne de la statue de la liberté en 1886), voire des
bâtiments entiers, comme la gare de Pest, en Hongrie, en 1875.
Au début des années 1880, les entreprises
Eiffel sont placées au cinquième ou sixième rang des constructeurs français,
grâce à leurs capacités d'organisation, d'invention dans les procédés de
montage et grâce à leurs précisions dans la fabrication et l'assemblage des
pièces.
En 1884, lorsque le projet
d’une tour de trois cents mètres sera évoqué pour la première fois, la
réputation de Gustave Eiffel est donc déjà bien établie et elle est de
dimension nationale, voire internationale. Bien qu’âgé de 52 ans à cette
époque, après avoir été dubitatif, c’est finalement avec une excitation de
jeune homme qu’il s’emparera du projet et le défendra envers et contre tous.
Même si elle n’est pas née de son imagination, il lui donnera son nom et
surtout la défendra jusqu’à ses derniers jours, même une fois qu’il se sera
retiré des affaires, en 1893.
C’est que l’entrepreneur avait bien senti qu’il avait affaire là à l’œuvre de
sa vie et qu’elle serait marquante.
Structure
métallique interne de la statue de la liberté.
La coupole de l'Observatoire de Nice.
Repères : |
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(Reconstitution d'après
l'affiche publicitaire d'origine) |
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Constructeur |
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1867: Passerelle dans le parc des
Buttes-Chaumont |
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1868: Viaduc de Neuvial |
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1869: Viaduc de Rouzat |
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1877: Passerelle à Girona |
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1891: Buu Dien |
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1894: Passerelle de Bry |
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1894: Viaduc de Venaco-Vivario |
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Directeur des travaux |
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1860: Pont saint-Jean |
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Ingénieur |
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Concepteur |
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1886: Structure interne de la Statue
de la liberté (États-Unis) |
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En 1756, se tient à Londres, la toute
première exposition d’ampleur internationale. Les expositions universelles, à
thème général ou plus spécialisé vont ensuite se tenir à un rythme soutenu dans
les pays les plus industrialisés de la planète. Elles serviront avant tout de
vitrine, le but étant de démontrer au monde entier son savoir-faire industriel
ou artistique. Pour ce faire, les pays organisateurs vont tendre vers la surenchère
et exalter leurs vertus nationales.
En 1851, l’Exposition de
Londres se montera autour de l’immense Crystal Palace, bâtiment spacieux
mêlant le fer et le verre, censé démontré par ses proportions, sa rapidité de
montage et son architecture, le triomphe des méthodes modernes d’industrialisation
et de préfabrication des bâtiments, mais aussi et avant tout, la suprématie
économique de la Grande-Bretagne au milieu du XIXe siècle.
Le palais de
l'industrie construit par Alexis Barrault pour l'Exposition universelle de 1855.
Dans la même lignée, les galeries
où sont exposées les « machines », seront plus d’une fois le clou
d’Expositions universelles.
En 1855, à Paris, l’ingénieur Alexis Barrault répond au défi britannique du Crystal
Palace en réalisant le Palais de l’Industrie, doté d’une structure
en fonte et d’une couverture vitrée de vastes dimensions.
En 1867, l’Exposition se
tient pour la première fois sur le Champ-de-Mars,
et célèbre l’apogée du Second Empire.
L’Exposition de 1878, avec la grande
nef de la galerie des machines, marque le relèvement de la France après la
défaite de 1870.
En 1875, le vote de l’amendement
Wallon instaure un régime démocratique, mais particulièrement instable au
niveau politique. L’époque voit apparaître de grandes figures politiques, Jules
Grévy, Léon Gambetta ou encore Jules Ferry,
mais les ministères opportunistes ne cessent de se succéder, sans réelle
continuité d’action.
Au début des années 1880, l’idée
de la tenue d’une nouvelle Exposition universelle en France a pour but de
relancer l’économie en réalisant de grands travaux, de fédérer les citoyens
autour d’un consensus politique, de faire rayonner l’image de la France à
l’étranger, en lui redonnant son rang parmi les grandes puissances et au final,
consacrer la Troisième République naissante.
Exposition Universelle à Hyde Park,
à Londres, en 1851 (vue du Crystal
palace).
Exposition Universelle de 1900 à Paris (vue du Trocadéro).
Affiche de l'Exposition Coloniale de Marseille en 1906.
Repères : |
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(Logotype du Bureau
International des Expositions) |
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Expositions Universelles : |
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1889 : Paris (1ère présentation de
la tour Eiffel au public |
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1900 : Paris 1 024 897 entrées à la
tour Eiffel en 212 jours
d'Exposition |
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Expositions Spéciales (Expositions thématiques) : |
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1861 : Metz (Exposition
Universelle de l'Agriculture, de l'Industrie, de l'Horticulture et des
Beaux-Arts) |
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1914 : Boulogne-sur-Mer (Exposition
Internationale des Industries de la Pêche) |
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1925 : Paris (Exposition
Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes) |
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1931 : Paris (Exposition
Coloniale Internationale) |
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1937 : Paris (Exposition
Internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne) |
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Au début et au milieu du XIXe siècle,
la course à la hauteur ne concerne pas les bâtiments civils, mais reste
l’apanage des édifices religieux. Par exemple, en 1837, la cathédrale Notre-Dame de Rouen se
voit coiffée d’une flèche en fonte de 40 mètres de hauteur, ce qui lui
permettra de revendiquer le titre de plus haut bâtiment du monde de 1876 à 1880.
Les rapides progrès industriels,
permettent cependant aux ingénieurs d’imaginer la transgression de ce qui est
encore à l’époque un privilège du domaine sacré. Selon Eugène-Melchior de Vogüé, édifier une tour
de grande hauteur est un rêve et un défi qui :
« remuait obscurément depuis quelques années dans le cerveau des
ingénieurs ». |
Richard Trevithick, expert britannique des machines à vapeur, propose dès 1833 un projet de
colonne en fonte
ajourée, haute de 1 000 pieds (≈300 mètres).
Or, la maîtrise de la technique
du fer permettra d’envisager sérieusement cette possibilité de tour de grande
hauteur.
Sans attendre les années 1880, où la tour Eiffel
passera de l’état d’utopie à celui de réalité, l’anglais Richard Trevithick avait déjà envisagé un tel
projet dès 1833. Il
proposait alors de construire une colonne en fonte ajourée, haute de 1 000
pieds (304,80 mètres), mesurant 30 mètres à la base et 3,60 mètres au sommet. A
cette fin, il cherchera même à lancer une souscription, mais il meurt deux mois
après la présentation de son projet, qui de fait, ne verra jamais le jour. Bien
qu’il soit difficile de savoir si son projet était techniquement viable et
réalisable, il est le premier à imaginer qu’on puisse utiliser les capacités du
métal pour édifier une tour élevée, ce en quoi, il est le précurseur indirect
de la tour Eiffel, qui verra le jour 56 ans plus tard.
En 1853, James Bogardus, spécialiste américain des immeubles
en fonte, imagine de surplomber le palais de l’Exposition qui se tient cette
année-là à New
York (Exhibition of the Industry of All Nations).
Mais le projet le plus réaliste
et proche d’aboutir est celui des ingénieurs américains Clarke et Reeves qui
imaginent, pour l’Exposition universelle de Philadelphie
en 1876, une tour de
300 mètres. Ils présentent leur projet ambitieux dans ces termes :
La plus ancienne des vieilles nations forma des briques et fit du
mortier, construisant une tour commémorative de son existence. Nous, la plus
jeune des nations modernes, nous allons élever une tour, pour célébrer
l’échéance du premier siècle de notre vie nationale. A côté de son prototype Babel, [...] notre gracieuse colonne en métal, qui
élèvera son sommet à 1 000 pieds de haut, formera un contraste frappant et
mettra en relief les progrès de la science et de l’art à travers les âges. |
En réalité, il s’agit d’un pylône
cylindrique de 9 mètres de diamètre maintenu par des haubans
métalliques, ancrés sur une base circulaire de 45 mètres de diamètre. Faute de
crédits, le projet ne verra jamais le jour, mais étant techniquement
réalisable, ou tout du moins, réaliste, il sera publié en France dans la revue Nature.
C’est encore une fois d’Amérique
que l’ingénieur Sébillot puisera l’idée d’une « tour-soleil » en fer
qui éclairerait Paris. Pour ce faire, il s’associe avec l’architecte Jules Bourdais, celui qui fut à l’origine du palais
du Trocadéro
pour l’Exposition universelle de 1878. Ensembles, ils concevront un projet de
« tour-phare » en granit, haute de 300 mètres. Il était prévu un
soubassement sur lequel venait s’ajouter cinq étages entourés de galeries et
une lanterne métallique, à l’image d’un phare géant. Mais il est fort probable
que ce projet n’aurait jamais pu être réalisé, le granit ne supportant pas de
forts vents et l’expérience montrant qu’un tel monument ne saurait être élevé à
une telle hauteur s’il est uniquement en granit. L’exemple de l’obélisque de Washington le montre bien :
commencé en 1848, il était prévu qu’il atteigne 180 mètres de hauteur, mais
après 37 ans de travaux, il sera inauguré le 20 février
1885 avec 169 mètres
seulement.
Pour que le rêve d’une tour de
grande hauteur prenne forme, il faut prendre en compte, avant toute chose, la
résistance des matériaux, avant même d’aborder l’aspect esthétique de
l’édifice, ce que comprendront parfaitement Gustave
Eiffel et son équipe d’ ingénieurs, grâce aux expériences passées des
ateliers Eiffel.
La tour de Babel vue par Pieter
Bruegel l'Ancien au XVIe siècle (1563). |
La cathédrale Notre-Dame de Rouen, surplombée, en 1937, d'une flèche en fonte de 40 mètres de hauteur. |
Gravure parue dans la magazine Harper's
Weekly de l'Exposition
universelle de Philadelphie de 1876 où, les ingénieurs Clarke et Reeves, avaient imaginés que puisse se
dresser un pylône en fer de 1 000 pieds (≈300 mètres). |
L'obélisque
de Washington qui ne
sera jamais élevé à la hauteur initialement prévue. |
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Maurice
Koechlin (1856-1946), chef du bureau
d’études d’Eiffel & Cie.
Émile
Nouguier(1840-1898), chef du bureau
des méthodes d'Eiffel & Cie.
En 1884, l’idée d’une tour
de grande hauteur est déjà dans les esprits des ingénieurs depuis des années. Maurice
Koechlin, chef du bureau d’études d’Eiffel & Cie et Émile
Nouguier, chef du bureau des méthodes, imaginent alors, eux aussi, une
«tour très haute» qui pourrait être le clou de l’Exposition universelle de 1889 qui se profile. En
ce sens, le 6 juin
1884, Maurice
Koechlin dessine un tout premier croquis de ce qui sera plus tard la tour
Eiffel. A cette date, le projet ressemble à un grand pylône formé de
quatre piliers incurvés se rejoignant au sommet. Tous les 50 mètres, il est
prévu qu’elles soient reliées par des planchers métalliques horizontaux, soit 5
étages en tout. La forme, un peu rude, est avant tout dictée par des soucis
techniques et non esthétiques. La tour doit supporter, pense Koechlin, la pression du vent, estimée à 300
kilos par mètre carré au maximum. Cette volonté de prendre en compte la
résistance des matériaux, sera la préoccupation majeure de Gustave
Eiffel et de ses ingénieurs, comme il l’expliquera lui-même :
tout l’effort tranchant dû au vent passe ainsi dans l’intérieur des
montants d’arête [...]. Les tangentes aux montants, menées en des points
situés à la même hauteur, viennent toujours se rencontrer au point de passage
de la résultante des actions que le vent exerce sur la partie de la pile
au-dessus des deux points considérés. |
Le pylône en fer
de 300 mètres, dessiné par Maurice
Koechlin le 6
juin 1884, qui
préfigure ce que sera la tour Eiffel 5 ans plus tard.
L’esquisse de Koechlin est
inspirée, pour les piliers notamment, des techniques déjà expérimentées avec
succès lors de la construction de viaducs : celui de Crumlin en Allemagne, inauguré en 1853, qui est le
premier du genre, auquel se succèderont les viaducs construits par Nordling,
viaducs de la Sarine,
de la Cère et du Busseau d’Ahun, mais surtout
ceux de la Sioule
dans les années 1860.
Parmi les quatre ponts de la Sioule, deux furent en effet construit directement
par Eiffel et ses ingénieurs, qui en outre, construiront aussi les viaducs
de Garabit et celui sur le Douro au Portugal. Si auparavant, les piles des viaducs étaient
faites de tubes en fonte boulonnées par tronçons, les deux derniers exemples
cités de viaducs construits par Eiffel seront édifiés en poutres-caissons de
section carrée en tôle de fer rivée. Or, cette technique permet de réaliser des
piles dépassant 60 mètres. Pour la tour Eiffel, le défi est donc d’utiliser
cette même technique, mais en réalisant une structure incurvée, et non plus droite.
Maurice Koechlin et Emile
Nouguier présentent leur projet à Gustave Eiffel qui reste, dans un premier
temps, dubitatif. Il a alors d’autres projets en route, et dit ne pas vouloir
s’investir dans la réalisation de cette tour, mais il donne néanmoins le feu
vert aux deux hommes pour pousser plus avant leurs études.
Ces derniers s’adjoignent donc
les services de l’architecte en chef des projets Eiffel, Stephen Sauvestre, pour qu’il planche sur le
sujet. Celui-ci redessine complètement les plans de la tour : il rajoute
les socles en maçonnerie de l’édifice, le premier étage est décoré d’un arc
monumental n’ayant aucun rôle structurel mais esthétique en figurant une sorte
de porte d’entrée de l’Exposition universelle, il place aux étages des salles
vitrées ouvertes au public, agrémente l’ensemble de la façade de sculptures
variées et prévoit de couvrir le sommet d’une sorte de bulbe fait de verre.
Le tout ressemble beaucoup au style Art Nouveau
à venir. Même si le projet final sera moins décoré et ostentatoire, cette deuxième
version signée Stephen Sauvestre est présentée à Gustave Eiffel, qui cette
fois-ci, se dit intéressé.
En réalité, il est tellement
enthousiasmé qu’il expose le projet au salon d’automne, en prenant soin
auparavant de prendre un brevet (daté du 18
septembre 1884)
aux noms d’Eiffel, Nouguier et Koechlin pour « une disposition nouvelle
permettant de construire des piles et des pylônes métalliques d’une hauteur
pouvant dépasser 300 mètres. ».
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Décret signé par Jules
Grévy, daté du 8 novembre 1884, instituant la tenue d'une Exposition universelle à Paris, du 5 mai au 31 octobre
1889.
Le projet d’Exposition universelle se tenant en France imaginé au
début des années 1880
progresse et le 8 novembre 1884, le président de la République
française de l’époque, Jules Grévy, signe deux décrets instituant
officiellement la tenue de l’Exposition à Paris, du 5 mai au 31 octobre.
Le lieu précis de l’Exposition n’est alors pas clairement défini.
Dans le même temps, c’est à dire
à la fin de l’année 1884, Gustave Eiffel rachète à Émile
Nouguier et Maurice Koechlin les droits qu’ils possédaient sur
le brevet de la
future tour
Eiffel, signé deux mois plus tôt. En contrepartie, il s’engage à citer les
noms des deux ingénieurs, mais en définitive, même s’il n’a pas inventé et
conceptualisée la tour, c’est bien sous le nom de tour Eiffel qu’elle sera
connue. Lorsque fut posée la question à Maurice Koechlin de savoir si la tour
n’aurait pas du en réalité porter son nom et s’il ne se sentait pas déposséder
de son invention par l’homme d’affaires Eiffel, il répondait humblement en
récusant l’idée que la tour puisse porter son nom et en prenant la défense de
son employeur. Koechlin, ainsi que Nouguier, endosseront même la lourde responsabilité
de superviser la construction de la tour qu’ils ont inventée, sans que leurs
noms passe à la postérité et sans que le grand public sache leur paternité du
projet. Pour cela, ils seront tout de même faits officiers de la légion
d’honneur le jour de l’inauguration officielle de la tour, le 31 mars 1889 et par conséquent,
leur travail sera donc, in fine, officiellement reconnu et récompensé.
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Projet de phare monumental
imaginé par Jules Bourdais (maquette exposée au musée
d'Orsay).
Une fois approprié le projet,
Gustave Eiffel va s’employer à le faire connaître au plus grand nombre. Pour ce
faire, il fait publier le schéma de la tour dans une des plus importantes
revues techniques de l’époque, Le Génie civil, puis prononce des
conférences dont une est donné à la Société des ingénieurs civils où, pour la
première fois, il dévoile les principales données chiffrées de la tour :
- Un poids de 6 500 tonnes (elle en pèsera finalement 7 300)
- Un prix total estimé de 3 155 000 francs (elle coûtera en fait 2 fois et
demie cette somme)
- Un délai de réalisation d’un an (en réalité, elle sera construite en
vingt-six mois, dont quatre pour les fondations et vingt-deux pour la tour à
proprement parler)
Tous les chiffres avancées ne se
sont donc pas révélés exacts, mais c’est souvent le cas pour de grands travaux,
et ce qui compte avant tout, c’est de donner une consistance au projet, le
rendre palpable, réaliste.
Gustave Eiffel avance déjà
l’argument selon lequel la tour pourra à l’avenir servir pour la réalisation
d’expériences scientifiques : de météorologies,
de physique,
de télégraphie...argument
qui, plus tard, se révélera déterminant pour la conservation de la tour Eiffel.
Pour finir, il essaiera de jouer
sur la fibre patriotique, en évoquant le siècle des Lumières ou encore la Révolution française :
«La tour peu sembler digne de personnifier l'art de l'ingénieur moderne
mais aussi le siècle de l'Industrie et de la Science dans lequel nous vivons,
dont les voies ont été préparées par le grand mouvement scientifique de la
fin du XVIIIe siècle et par la Révolution de 1789, à
laquelle ce monument serait élevé comme témoignage de reconnaissance de la
France.» |
En outre, il s'efforcera de
démontrer les failles techniques des projets de ses concurrents, J.-B.
Laffiteau, Neve et Hennebique qui projettent une tour en brique et en bois, et surtout Jules Bourdais qui ambitionne de construire une tour
en granit de 300 mètres. Bourdais sera son principal concurrent, car tout comme
Eiffel, il est un ingénieur reconnu et réputé, qui fera lui aussi un grand
usage de la publicité, notamment dans la presse, pour faire connaître son
projet. Malgré tout, le projet d'une tour en pierre de Bourdais semble moins
réaliste, ne semblant pas prendre en compte la résistance des matériaux, point
pourtant crucial pour une tour d'une telle hauteur.
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La réélection de Jules
Grévy (1807-1891) à la présidence
de la république le 28 décembre 1885 relance et entérine la tenue d'une Exposition universelle à Paris en 1889.
1886 est l'année où l'Exposition universelle et le projet d'une
tour de 300 mètres prennent définitivement forme.
La réélection de Jules
Grévy à la présidence de la République le
28
décembre 1885
entérine définitivement la tenue d’une Exposition universelle à Paris en 1889. Sous l’impulsion
de Charles de Freycinet, pour la troisième fois président du Conseil, du 7 janvier
au 3
décembre 1886,
et par deux de ses ministres, Marie François Sadi Carnot, ministre des finances du 16 avril 1885 au 11 décembre
1886, et surtout d’Édouard
Lockroy, ministre du Commerce du 7 janvier 1886 au 30 mai 1887.
Édouard Lockroy sera le parrain
bienveillant du projet de la tour Eiffel et il le défendra envers et contre
tous. Marié à Alice Lehaëne, veuve de Charles
Hugo, second fils décédé prématurément de l'écrivain Victor Hugo,
il fut lui-même un auteur dramatique renommé durant sa jeunesse de journaliste.
Armé du sens de la formule, franc-maçon
avéré, passé par les Beaux-Arts, il participera à quatre gouvernements comme
ministre de l'Industrie et du Commerce (1886-1887), ministre de l'Instruction
publique (1888-1889), ministre de la
Marine (1895-1896 et 1898-1899) et enfin ministre
de la guerre par intérim en 1898. Ministre atypique, il n'hésitera pas à contester le budget
alloué à l'armée, alors qu'il était ministre de la guerre par intérim :
« On a consacré des millions à transformer la tunique des soldats en
veste [...]. Nous aurions eu de quoi faire des lettrés de tous les français
avec l'argent que nous avons dépensés en passepoils.» |
N'hésitant pas à dépenser les
fonds publics pour soutenir des causes ou des projets qui lui tiennent à cœur,
il financera par exemple les expéditions de Jean-Baptiste Charcot entre 1903 et 1905. Ainsi, il est
difficile de démêler dans ses actions ce qui relève des convictions sincères ou
bien alors de sa soif de reconnaissance. Quoiqu'il en soit, il s'est avéré un
allié puissant pour Gustave Eiffel, un relais permanent avec le Conseil et le
président de la République.
Le 1er avril 1886, un projet de loi
dote l'Exposition d'un budget de 43 millions de francs, dont 17 sont fournis
par l'État français, 8 par la Ville de paris et le reste, soit 18 millions, par
un emprunt à lots. Encore une fois, l'influence d'Édouard Lockroy se fera
sentir, puisqu'il est nommé commissaire général de l'Exposition.
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Arrêté du 1er mai 1886 ouvrant un concours en vue de l'Exposition
universelle de 1889: articles 1 à 5. |
Arrêté du 1er mai 1886 ouvrant un concours en vue de l'Exposition
universelle de 1889: articles 6 à 14. |
Arrêté du 1er mai 1886 ouvrant un concours en vue de l'Exposition
universelle de 1889: articles 15 à 17. |
Le 1er mai 1886, le ministre du
Commerce Édouard Lockroy signe un arrêté qui
déclare ouvert « un concours en vue de L’Exposition universelle de
1889 ». L’article 9, qu’on dirait soufflé par Gustave
Eiffel lui-même, dispose que :
Les concurrents devront étudier la possibilité d’élever sur le
Champ-de-Mars une tour en fer à base carrée, de 125 mètres de côté à la base
et de 300 mètres de hauteur. Ils feront figurer cette tour sur le plan du
Champ-de-Mars [...] |
Avec son projet, Gustave
Eiffel arrive 3e du concours de mai 1886,
mais le jury émet
des réserves sur le système d'ascenseur, insuffisant dans le projet initial.
Pour la première fois, le
périmètre où se tiendra la future Exposition est délimité dans l’article 3 de
l’arrêté : il s’agit du Champ-de-Mars.
La remise des projets est fixée
au 18 mai, soit seulement 18 jours après. Malgré ce délai très court, 107
projets sont présentés, tous exposés à la fin du mois de mai 1886, à l’Hôtel
de Ville de Paris.
Parmi les projets présentés, On
peut citer celui de Marie-Joseph Cassien Bernard et Francis Nachon, très proche du projet d’Eiffel, à la
différence que leur édifice enjambe la Seine ,et celui de Jules Bourdais, qui pour l’occasion revoie sa copie
et troque le granit initialement prévu contre le fer. Pour le reste, de
nombreux projets présentés semblent fantaisistes et peu réalistes d’un point de
vue strictement technique.
Le 26 mai 1886 sont annoncés les
résultats du concours. Gustave Eiffel arrive classé 3e et gagne la somme symbolique
de 4 000 francs, mais surtout, cette victoire lui permet d’envisager réellement
la construction de sa tour. Jean-Camille Formigé fera son palais des Arts
Libéraux, Ferdinand Dutert se chargera de la galerie des
machines, et Gustave Eiffel de sa tour. Néanmoins, le jury émet quelques
réserves sur le dossier présenté, d’abord sur les protections contre la foudre,
et ensuite et surtout, sur les ascenseurs Backmann qui étaient initialement
prévus. Gustave Eiffel changera donc de fournisseurs en choisissant trois
constructeurs différents : Roux-Combaluzier et Lepape (devenus Schindler), Otis et Léon Edoux (qui a fait ses études dans la même promotion
que Gustave Eiffel). Au final, ces ascenseurs coûteront une partie non
négligeable de la facture totale.
Exposition universelle de 1889 : le palais
des machines construit par Ferdinand Dutert, 2e prix du concours de 1886.
Exposition universelle de 1889 : les arches
de la tour Eiffel,
avec au fond, la fontaine monumentale de Jules Félix Coutin et Jean Camille Formigé, 1er prix du concours de
1886 (pour le palais des Arts Libéraux), et le dôme central de Joseph Antoine Bouvard.
Repères : |
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(Plan général de l'Exposition
universelle de 1889 publié par le "Guide Bleu du Figaro" et le
"Petit Journal") |
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1ère série (récompense de 4 000
francs) |
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1er : Formigé |
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2e : Dutert |
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3e : Eiffel |
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2e série (récompense de 2 000
francs) |
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4e : De Perthes |
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5e : Cassien Bernard et Francis
Nachon |
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6e : Raulin |
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3e série (récompense de 1 000
francs) |
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7e : Pierron |
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8e : Paulin |
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9e : Ballu |
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10e : Fouquiau |
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11e : Vaudoyer |
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12e : Hochereau et Girault |
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Le 8 janvier 1887, Gustave
Eiffel signe (en son nom personnel et non celui de son entreprise) une convention
avec d'une part, Édouard Lockroy, ministre du Commerce, et d'autre
part, Eugène Poubelle, préfet de la Seine, agissant ici
au nom de la Ville de Paris. Cette convention fixe, entres autres, les conditions
relatives à l'emplacement géographique de la tour et les coûts estimés devant
être engagés pour sa construction :
Emplacement :
Un fois le concours gagné, il
convient encore de décider de l’emplacement exact de la tour qui doit être
construite. Pendant un temps, il est envisagé de la placer en en point élevé,
sur le mont Valérien, à l’ouest de Paris, ou bien sur la colline de Chaillot,
voire encore, à cheval sur la Seine, comme Cassien Bernard et Nachon pensaient
l’installer dans leur projet proposé au concours de mai 1886.
Mais il se trouve que la colline
de Chaillot n’aurait pas permis d’installer des fondations solides, et le mont
Valérien aurait placé la tour trop à l’écart du reste de l’Exposition.
Coût estimé :
En l'échange de la promesse de
terminer les travaux de sa tour pour l'ouverture de l'Exposition universelle de
1889, Gustave Eiffel obtient une subvention de 1 500 000 francs de l'époque,
sur un budget total estimé à 6 500 000 de francs, le reste étant financé par
une société anonyme crée par Eiffel. Cette société est
financée par moitié par les propres fonds de l'ingénieur et pour autre moitié,
par un consortium de trois banques.
Au final, les dépenses totales
seront supérieures de 1 500 000 de francs, mais seront intégralement couvertes
par l'exploitation commerciale pendant l'Exposition universelle de 1889. Le
prix de l'entrée est d'ailleurs défini dans l'article 7 de la convention, il
est de :
- 5 francs la semaine et 2 francs les dimanches et fêtes pour l'ascension
totale.
- 2 francs la semaine et 1 franc les dimanches et fêtes pour l'ascension
partielle, jusqu'au 1er étage.
Enfin, l'article 11 précise qu'à
partir du 1er
janvier 1890,
Gustave Eiffel pourra jouir librement de l'exploitation commerciale de sa tour
pour une durée de vingt ans, après quoi, la Ville de Paris se substituera à
l'État pour en devenir l'unique propriétaire.
Repères : |
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Côut estimé |
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En 1884 |
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3 155 000 de francs |
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En 1887 |
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6 500 000 de francs, dont : |
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Côut réel |
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En 1889 |
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≈ 8 000 000 de francs |
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Convention du 8 janvier 1887 (page 1/7). |
Convention du 8 janvier 1887 (page 2/7). |
Convention du 8 janvier 1887 (page 3/7). |
Convention du 8 janvier 1887 (page 4/7). |
Convention du 8 janvier 1887 (page 5/7). |
Convention du 8 janvier 1887 (page 6/7). |
Convention du 8 janvier 1887 (page 7/7). |
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Ouvrier
plombier travaillant sur la tour Eiffel (lithographie
d'Henri
Rivière datée de 1902).
Une fois la convention
du 8 janvier
1887 signée, Gustave
Eiffel peut se concentrer sur l'étude finale du projet et le lancement des
travaux.
Pour ce faire, d'une part,
l'ingénieur embauche 250 ouvriers pour travailler à la construction de la tour, maçons,
équipes de riveteurs
("mousse", "teneur de tas", "riveur",
"frappeur")..., et d'autre part, il fait dessiner les plans par ses
équipes et presque toutes les pièces seront directement réalisées (calcul,
traçage, découpage et perçage) aux ateliers d'Eiffel & Cie, à Levallois-Perret.
Les chiffres sont
impressionnants :
Concernant les dessins préparatoires : - 40 dessinateurs et calculateurs ont travaillé pendant deux ans sur les
dessins industriels. - La tour est un assemblage de 18 000 pièces. - 700 dessins d'ensemble ont été réalisés par le bureau d'études. - De son côté, l'atelier a fait 3 600 dessins. Concernant les travaux à Levallois-Perret : - 150 ouvriers sont affectés aux ateliers. - Toutes les pièces sont préparées sur place, et quand les ouvriers du
chantier s'aperçoivent d'un défaut, les pièces sont renvoyées à l'atelier où
elles sont rectifiées. - 2/3 des 2 500 000 rivets que possède la tour sont posés directement par
les ouvriers de l'atelier. |
Au final, les 250 ouvriers du
chantier reçoivent, la plupart du temps, des pièces déjà préassemblées mesurant
environ 5 mètres.
Avec ce modèle d'organisation, la
construction de la tour Eiffel va se faire très vite, au regard de la taille du
chantier : quatre mois pour les fondations et vingt-deux mois seulement
pour l'édification de la structure métallique verticale.
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Exécutées avec un soin particulier,
les fondations de la tour Eiffel, commencées
le 28
janvier 1887,
seront faites en quatre mois seulement.
Chaque pilier a son propre massif
de fondations en maçonnerie de 5 mètres sur 10 de côté. Avec ce système, le sol
n'a à supporter que 3 à 4 kilos par centimètre carré, ce qui est peu, puisque
par comparaison, cela représente la pression qu'exerce un individu moyen sur
une chaise.
Côté Champ-de-Mars,
les deux piles ont été établies sur des massifs en béton de 2 mètres de
profondeur, reposants sur une couche de gravier située à 7 mètres en contrebas du sol.
Côté Seine, les fondations
sous situées au-dessous du niveau du fleuve. Afin que les ouvriers puissent
travailler dans ces conditions, quatre caissons métalliques étanches furent
utilisés, où de l'air comprimé était injecté. Cette méthode avait déjà été
testée et utilisée avec succès par les entreprises Eiffel lors de la
construction du pont
de Bordeaux
en 1857.
Chacune des arêtes des quatre
piles est soutenue par seize massifs de fondation. Dans cette appareil de
maçonnerie qui a demandé 12 000 m2 de matériaux, d'énormes boulons
d'ancrage de7,80 mètres de long fixent le sabot en fonte d'acier sur lequel
repose chaque pilier. Cependant, ces boulons ne sont pas strictement
nécessaires à la stabilité de l'édifice, dans la mesure où chaque arête reçoit,
à sa base, une pression de 875 tonnes, en tenant compte des effets du vent.
Pour parachever le tout, est
installé dans chacun des sabots, un vérin hydraulique de
9,5 centimètres de course, d'une force de 800 tonnes, actionné par une pompe à
main mobile, prévu pour soulever chaque arête pour rattraper le jeu au moment
de la jonction des quatre piles (c'est à dire au niveau du premier étage). Une
fois que les ajustements nécessaires ont été faits, des cales en acier ont été
posées entre les sabots et les arêtes, afin de fixer de manière définitive le nivellement
de la tour Eiffel.
Enfin, un soubassement purement
décoratif constitué de dalles en béton Coignet a été posé à la base de chaque pilier.
Ainsi, les socles en pierre que l'on voit encore actuellement aux pieds de la
tour n'ont aucune fonction technique, mais sont là uniquement pour la beauté de
l'ensemble.
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Détail de la
structure «en dentelle»
de la tour
Eiffel.
Détail de rivets visibles sur
une structure métallique.
A partir du 1er juillet
1887, le montage de
la partie métallique verticale commence. Les seize arêtes sont montées
indépendamment les unes des autres et elles sont liaisonnées au fur et à mesure
de leur progression par des poutrelles métalliques horizontales ou diagonales.
Dans un premier temps, les pièces
sont levées grâce à des grues
pivotantes fixées sur le chemin des ascenseurs, progressant au même rythme que
l’élévation des piliers. Au delà de 30 mètres de hauteur, 12 échafaudages
en bois sont construits et quand le chantier a dépassé les 45 mètres de
hauteur, il a fallu édifier de nouveaux échafaudages, adaptés aux poutres de 70
tonnes qui furent utilisées pour le premier étage.
La jonction de ces énormes
poutres avec les quatre arêtes , au niveau du premier étage, est le moment le
plus crucial de tout le montage de la tour Eiffel. S’il se passe bien, l’assise
sera solide et permettra d’édifier le reste de l’édifice.
Cette jonction est réalisée sans
encombre le 7 décembre 1887. Pour que tout se passe bien, il était indispensable que
tous les trous de rivets des pièces viennent coïncider au millimètre près, ce
qui fut heureusement le cas.
Une fois ce cap passé, la
construction de la tour Eiffel semblait bien lancée et rendait inutile les
échafaudages construits temporairement, les plates-formes du premier étage,
puis du second, servant ensuite de relais pour le levage des divers matériaux.
Au delà du deuxième étage, seulement deux grues, qui suivent les montants
verticaux des ascenseurs, sont utilisées.
Du bas du chantier, les curieux
n’aperçoivent alors plus rien ou presque. Ainsi, pour satisfaire leur
curiosité, le musée Grévin organise un diorama avec
décors, pièces métalliques et ouvriers grandeur nature présentant les
conditions de travail au-delà de 115 mètres de hauteur, c’est à dire au-delà du
deuxième étage. Pour comprendre à quoi ressemblait alors le chantier, on peut
aussi s’en référer aux écrits d’Émile
Goudeau, journaliste, qui visita le chantier début 1889 :
« Une épaisse fumée de goudron et de houille prenait à la gorge,
tandis qu’un bruit de ferraille rugissant sous le marteau nous assourdissait.
On boulonnais encore par là ; des ouvriers, pinqués sur une assise de
quelques centimètres, frappaient à tour de rôle de leur massue en fer sur les
boulons ; on eût dit des forgerons tranquillement occupés à rythmer des
mesures sur une enclume, dans quelque forge de village ; seulement
ceux-ci ne tapaient point de haut en bas, verticalement, mais
horizontalement, et comme à chaque coup des étincelles partaient en gerbe,
ces hommes noirs, grandis par la perspective du plein ciel, avaient l’air de
faucher des éclairs dans les nuées ». |
18 juillet 1887: Commencement du montage métallique de la pile n°4. |
7 décembre 1887: Montage de la partie inférieure sur les pylones en charpente. |
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26 décembre 1888: Montage de la partie supérieure. |
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Sur le chantier, les charpentiers
sont les mieux payés, les autres ouvriers (principalement les équipes de
riveteurs) sont mieux rémunérés que la moyenne de ce qui se pratiquait dans ce
secteur à l’époque et un seul accident mortel sera à déplorer. Les conditions
de travail ne semblent donc pas si mauvaises , Gustave
Eiffel installant même, en partie à ses frais, une cantine au
premier étage.
Pourtant, tout n’est pas si
facile. Passée une certaine hauteur, la température
est fraîche et le vent souffle fort. Et puis les ouvriers travaillent
beaucoup : 9 heures en hiver et 12 l’été.
S’estimant insuffisamment payés
au vu des risques pris, ils font grève une première fois en septembre 1888, quelques mois
avant l’achèvement de la tour. Gustave Eiffel qui argue que le travail est
certes dangereux, mais qu’œuvrer 200 ne change rien par rapport à la situation
des ouvriers quand ils œuvraient à 50 mètres de hauteur : en cas de chute,
aucun salut n’est possible. Il décide toutefois de leurs concéder une
augmentation de salaire.
Trois mois plus tard, une
nouvelle grève éclate, mais cette fois-ci, il tiendra tête et refusera toute
négociation, sur quelque élément que ce soit.
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Escaliers :
Initialement sont installés, du
rez-de-chaussée au premier étage, un escalier à
paliers de 360 marches, du premier au deuxième étage, un escalier hélicoïdal
sans paliers de 380 marches, et enfin, du deuxième au troisième étage, un
escalier hélicoïdal sans paliers de 1 062 marches, trop dangereux pour être
ouvert au public.
Ascenseurs :
Dessin technique
d'ascenseur, daté du 15 janvier 1861, réalisé par Elisha Otis,
fondateur d'Otis Elevator Company, société retenue par Gustave
Eiffel pour construire les ascenseurs des piliers nord et sud, menant au
deuxième étage de la tour Eiffel.
La tour possède certaines
spécificités qui n’ont alors jamais été rencontrées pour mettre en place des ascenseurs
dans un édifice : à cause du dénivellement élevé, la course des ascenseurs
est importante, et surtout, entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage, la
courbure de la structure métallique adopte une courbure variable.
Suite aux recommandations du jury
du concours de mai 1886, Gustave Eiffel
accorde le marché des ascenseurs à trois entreprises.
D’une part, l’entreprise française
Roux, Combaluzier et Lepape (devenue Schindler), qui installe dans les piliers est et ouest des
ascenseurs desservant le premier étage. Capables de transporter 200 personnes,
ils sont plutôt lents bien que jugés sûr au point de vue de la sécurité et sont
actionnés par une double chaîne sans fin marchant à la force hydraulique.
D’autre part, l’entreprise
américaine Otis, qui installe dans les piliers nord et
sud des ascenseurs d’une capacité de 100 personnes. Plus rapides que les
précédents, ils sont jugés moins sûrs, mais permettent tout de même de
desservir le deuxième étage dans de bonnes conditions pour l’époque. Ils sont
constitués de cabines à deux étages, fonctionnent sur des glissières obliques
et sont actionnées par un câble mu par un piston hydraulique dont la course est
démultipliée par un jeu de poulies.
Enfin, Léon Edoux, qui installe un ascenseur vertical entre le
deuxième et le troisième étage, constitué de deux cabines. La cabine inférieure
sert de contrepoids et la cabine supérieure, qui transporte les passagers, est
tirée par un piston hydraulique de 78 mètres de course.
http://cnum.cnam.fr/DET/8XAE349.10.html
http://gallica.bnf.fr/anthologie/notices/01206.htm