50La Tour Eiffel et la
polémique
En 1881, Sébillot revint d'Amérique avec le dessin d'une Tour en fer de
300 mètres, surmontée
d'un foyer électrique pour l'éclairage de Paris, projet sur le caractère
pratique duquel il n'y a pas à insister. Bourdais et Sébillot reprirent en
commun l'idée de cet édifice, mais leur Tour soleil était cette fois en
maçonnerie. Ce projet soulevait de nombreuses objections qu'il est inutile de
rappeler et qui s'appliquent à une construction quelconque de ce genre. Pour
donner une idée des difficultés que présente, d'une manière générale,
l'exécution d'une Tour en maçonnerie, on peut citer le grand obélisque en
pierre connu sous le nom de Monument de Washington inauguré en 1885 et
qui était à cette époque le plus haut monument du monde, entièrement en granit
avec revêtement en marbre, d'une hauteur de 169m25, carré de haut en
bas. Telle était la limite que même avec des matériaux de choix et une
exécution particulièrement soignée, les ingénieurs américains, qui ne passaient
pas pour manquer de hardiesse, n'avaient pas osé dépasser.
Le premier projet, dont l'exécution avait été commencée en 1848, comportait
une pyramide de 600 pieds, soit 183 mètres de hauteur, entourée d'un
Panthéon avec une colonnade formant péristyle. Mais, quand en 1854 la pyramide
fut arrivée à la hauteur de 46 mètres, on s'aperçut qu'elle s'inclinait
d'une façon tellement inquiétante qu'on suspendit les travaux. Ils ne furent
repris qu'en 1877 ; on réduisit de 100 pieds la hauteur que l'on avait assignée
d'abord au monument, et on la fixa définitivement à 169 mètres, puis on
reprit toute la fondation en sous-œuvre. On élargit considérablement la base en
établissant au pourtour de nouveaux massifs de béton, descendus plus
profondément. C'est seulement en 1880, qu'après de grandes difficultés
vaincues, on reprit les travaux de la partie supérieure. Ils avancèrent depuis
très régulièrement à raison de 30 mètres environ d'élévation par année, et
l'ouvrage fut inauguré le 21 février 1885. Le Panthéon qui devait
décorer l'édifice avait été ajourné, en raison de la dépense considérable qu'il
devait entraîner.
L'ensemble des recherches menées sur ce sujet par Eiffel, le conduisit à
considérer comme réalisable à l'aide d'études approfondies, l'avant-projet que
deux de ses plus distingués collaborateurs, Émile Nouguier et Maurice Kœchlin,
ingénieurs, lui présentèrent pour l'édification en vue de l'Exposition de 1889
d'un grand pylône de 300 mètres. Cet avant-projet réalisait le problème de la
Tour de 1000 pieds. La partie architecturale fut confiée à l'architecte
Stephen Sauvestre. Alfred Picard, alors inspecteur général des Ponts et
Chaussées, écrira plus tard que « cet œuvre colossale devait constituer
une éclatante manifestation de la puissance industrielle de notre pays, attester
les immenses progrès réalisés dans l'art des constructions métalliques,
célébrer l'essor inouï dugénie civil au cours de ce siècle [XIXe],
attirer de nombreux visiteurs et contribuer largement au succès des grandes
assises pacifiques organisées pour le Centenaire de 1789. »